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Libre et durable

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Quel lien y a-t-il entre les TIC, le copyleft et le développement durable ?
Notre objectif est de faire comprendre à un public élargi (élus, techniciens, chercheurs, citoyens, PME, entreprises éco citoyennes) le lien fondamental qui existe entre ces univers. Ce lien est aujourd'hui insoupçonné alors qu'il recèle un énorme potentiel de changement vers plus d'équilibre et de durabilité.
On observe en effet un abîme entre, d'une part les acteurs du développement durable (ONG, élus, éco-techniciens...) qui s'intéressent assez peu à la dynamique des TIC et du libre, et d'autre part les acteurs du logiciel libre, qui semblent souvent plus préoccupés par leurs logiciels que par ce qui se passe dans la sphère terrestre...
Ceci est bien sûr une caricature... Mais selon nous, il y a un énorme enjeu à rapprocher les acteurs de ces deux univers. Non seulement peuvent-ils se renforcer mutuellement, mais surtout ils sont mus par une même démarche essentielle, les uns agissant dans le domaine "physique", les autres dans le domaine "noosphérique".
La conjonction de ces deux forces vives peut être un facteur historique de changement vers plus de durabilité.


Le Libre et ses formes d'application

Nous appellerons "Libre" non seulement le logiciel libre, mais aussi certaines formes de diffusion libre de la connaissance : partage de meilleures pratiques, échanges entre chercheurs et utilisateurs sur des sujets d'intérêt général...

Le sujet le plus connu, le logiciel libre, est un modèle collaboratif basé sur la transparence et l'amélioration continue, mené par des utilisateurs et des contributeurs souvent bénévoles. Il repose sur une économie du don où les utilisateurs ayant bénéficié d'une solution ou les contributeurs l'ayant développé souhaitent en faire bénéficier le plus grand nombre, sans objectif commercial sur le produit logiciel: il ne s'agit pas pour eux de "marchandiser" la connaissance, mais d'en faire bénéficier les autres. Le Libre a ainsi généralement été développé par des passionnés (geeks et autres nerds linussiens, qu'à Angenius on appelle des Trolls) ou des bénévoles engagés dans une mission d'intérêt général (cas de la majorité des angenieurs).

Il découle de ce modèle de partage et de transparence que le Libre ne peut être atteint par des virus ou des attaques "terroristes" : toute nouvelle contribution peut en effet être annulée, le système est toujours réversible. Les logiciels libres affichant toutes les données du code source, toute nouvelle contribution est visible, peut être analysée et défaite si elle pose problème. Par ailleurs, le sabotage et le terrorisme reposent sur de la dissimulation, de l'intimidation et de la non transparence : autre raison pour laquelle les malfaiteurs ne s'aventurent pas dans le Libre. Il n'y a pas d'ombre pour s'y cacher.
De manière générale, sur les logiciels libres, un noyau de fondateurs passionés développe un code source et en suit les développements. L'ouverture progressive de la communauté contributive permet de limiter les risques de dérapages.

Libre et durable ?

Caractéristiques communes

On voit bien à travers ces caractéristiques du Libre émerger des similitudes et des leviers pour les acteurs du développement durable : le DD peut en effet se définir comme un processus d'amélioration continue, au service des utilisateurs et mené avec eux (cf les processus d'Agenda 21) ; un objectif majeur est la transparence et l'échange de bonnes pratiques entre acteurs ; enfin, le développement durable cherche à replacer l'économique et les objectifs de rentabilité commerciale à court terme à leur place, c'est à dire en équilibre avec des considérations sociales et environnementales.

On peut donc dire que par nature, le Libre et le développement durable fonctionnent selon les mêmes principes et visent des objectifs similaires, mais appliqués à des sphères différentes : le Libre concerne la "noosphère" (sphère du virtuel et de la connaissance, TIC), le développement durable trouve son terrain d'application dans la « biosphère » (sphère du matériel et de nos modes de vie, habitat, transports...).

Ainsi, appliquer le développement durable à la noosphère reviendrait à développer les approches en Libre. Ceci est évident pour les approches de diffusion de la connaissance : l'enjeu est de diffuser librement les bonnes pratiques et les connaissances en matière de DD, en se détachant autant que possible de considérations marchandes. Le DD appliqué aux TIC et aux logiciels conduit à la même conclusion, mais ce point, plus technique, est moins évident que le 1°, aussi nous y reviendrons dans un chapitre dédié aux logiciels libres.

Questions de finalité

Si le développement durable appliqué à la noosphère conduit logiquement au Libre, la réciproque n'est cependant pas toujours vraie. La question de fond reste la finalité de l'outil. Ainsi il est tout à fait possible d'utiliser un outil libre à des fins non avouables. A une conférence récente dans le 92, un intervenant, qui se présentait comme un expert des outils collaboratifs, a expliqué comment il avait fait augmenter les adhésions à un parti politique en jouant avec les règles de référencement par Google, et en envoyant des millions de mails ciblés en s'appuyant sur des fichiers privatifs...
Mais de la même manière, on peut utiliser le développement durable à des fins inavouables. Il suffit pour cela de voir la mulitplication de produits et de consultants ou bureaux d'études qui « vendent des heures » et prétendent aider les utilisateurs à faire du durable...

La clé reste donc l'éthique, et la preuve par les actions que l'on respecte cette éthique. C'est ainsi que dans le Libre, les contributeurs sont appréciés sur la base de ce qu'ils contribuent, et non de ce qu'ils déclarent. Même chose pour Angenius, qui valorise des actions et des partenaires qui ont fait et partagent leur expérience librement. Autre parallèle : cette appréciation est collective, « bottom up » et non centralisée par un organisme ou une personne. C'est le feedback des utilisateurs qui permet de juger de l'efficacité des solutions proposées.

Une opportunité historique

Les impasses du modèle actuel

La situation actuelle se caractérise par :
1- L'urgence et l'ampleur des changements requis face au développement non durable qui met en péril l'équilibre de la planète
2- La société de la connaissance
3- La perte de la citoyenneté
Dans ce contexte, adjoindre les forces vives des deux mouvements (le Libre et le développement durable) représente une opportunité historique pour changer notre modèle de société et accélérer l'adoption de modes de vie durables.
Notre travail à Angenius porte en effet autant sur la noosphère que sur la biosphère. Nous pensons qu'on ne peut faire du développement durable sans travailler sur la noosphère, l'intelligence collective, la connaissance, les us et les coutumes...

Economie du don et développement durable

Les logiciels et les approches libres, basés sur « l'économie du don » constituent un formidable levier pour les militants du développement durable, qui agissent souvent de manière bénévole ou avec beaucoup moins de moyens que les acteurs de la sphère économique classique. Le Libre, de par le faible coût des logiciels libres et des modèles de diffusion gratuite de la connaissance, constituent un fantastique atout pour les militants du DD : il leur permet de diffuser rapidement et en toute transparence leurs idées, de les mettre en débat avec le plus grand nombre et ainsi de faire jeu égal avec les acteurs traditionnels, malgré leurs moyens limités.

L'économie du don génère une autre valeur ajoutée : elle introduit la notion de réciprocité et permet de tisser des liens entre les humains. Elle permet de constituer des réseaux collaboratifs, dans lesquels on voit très rapidement émerger des « points de condensation » (exemple de Loos en Gohelle avec JF. Caron) : certains individus, par leur engagement plus que d'autres, se retrouvent au confluent de plusieurs mouvements et consituent une « cellule souche » (voir notre texte sur Territoires Intelligents et Communautés Apprenantes).

Vers la fin des systèmes pyramidaux ?

Le Libre est basé sur une approche « bottom up » et l'engagement des individus, et non des systèmes. Techniquement, le logiciel libre est basé sur des systèmes décentralisés, avec des serveurs et des applications en ligne mis à disposition des utilisateurs, ce qui permet de partager des "machines" et des moyens. Les connaissances et les contributeurs sont dispersés sur tout le territoire et collaborent ainsi à travers de multiples réseaux.
On retrouve là aussi une caractéristique du développement durable, qui cherche à adresser le 3° point caractérisant notre société actuelle (la perte de citoyenneté) en stimulant les notions « d'éco citoyen » ou de solidarité.
Dans les deux cas, le pouvoir est décentralisé et remplacé par une engagement des individus et du collectif. Le vertical, cloisonné et pyramidal, est remplacé par le transversal et les échanges bottom up...

Logiciels libres et durable

Ce point me semblait évident en théorie, mais moins évident dans la pratique... jusqu'à ma migration ce week end. Voici quelques idées à chaud.

Pour un usage raisonné et durable de la noosphère

Un premier point clé réside dans le fait que le libre consomme infiniment moins de ressources dans la noosphère que les outils propriétaires : comme nous l'avons vu plus haut, le libre fonctionne selon une logique de réseau et de serveurs mettant à la disposition de tous les application et les données, que les utilisateurs interrogent depuis leur PC par Internet. Cela économise énormément d'espace et de matériel. Par ailleurs, les logiciels propriétaires, non transparents, sont souvent surdimensionnés par rapport aux besoins des utilisateurs et en tous cas surprotégés pour résister aux attaques de virus et autres piratages...qui n'existent que parce qu'ils sont propriétaires justement.
Pis, ces logiciels non ouverts induisent une dépendance des utilisateurs à un produit qu'ils ne maîtrisent pas : dès qu'il y a virus ou une panne du système, on est coincé et il faut attendre la venue d'un expert. Le système d'exploitation est lourd, encombré par de multiples couches opaques (test : démarrage du PC se fait en 3 fois moins de temps sur Linux que sur Windows).
Dans le cas du libre, on trouve de manière libre des forums utilisateurs qui partagent leurs expériences. Dans les FAQs, entretenues par des communautés d'utilisateurs qui s'entraident, on trouve presque toujours une réponse ou un début de réponse, et surtout on peut identifier le processus qui permettra de résoudre le problème. C'est tout simplement une logique d'artisan, au lieu d'une logique de production industrielle de logiciels.

On retrouve là aussi nos concepts de développement durable dans la biosphère : boucle locale (on adapte sa solution localement, avec la communauté d'utilisateurs), on récupère et on recycle l'information (elle circule d'un utilisateur à l'autre, et s'enrichit à chaque boucle), usage parcimonieux et économie de ressources noosphériques.

Empreinte écologique dans la noosphère

Au final, Il faut voir qu'il y a un vrai enjeu de durabilité aussi dans la noosphère : l'espace noosphérique, et les moyens d'y accéder (ordinateurs et accès internet) ne sont pas illimités. En matière d'espace, quand quelqu'un vous envoie un mail de 10 Méga au lieu de le poster sur un serveur, il « encombre » et bouche les tuyaux... De même, certains jours, à certaines heures, le réseau « rame » parce qu'il y a trop d'informations circulant dans la noosphère. Nous pensons à Angenius développer un jour la notion d'empreinte écologique dans la noosphère.

En matière de moyens, un ordinateur peut représenter jusqu'à 1 tonne de pétrole d'énergie induite pour le fabriquer, et il comprend des matériaux non renouvelables (cadmimum, plomb, beauxite...)
Or le libre permet de récupérer à moindre frais des PC usagés : les trolls (militants du logiciel libre) organisent des « install party » où l'on met en place les configurations minimales pour permettre à l'utilisateur d'utiliser le PC. Cela permet de donner accès à l'informatique à des publics moins aisés, des ONG et des écoles, à coût presque nul (les trolls sont généralement ravis de diffuser leurs outils, et consomment des denrées peu coûteuses : pizza, soda, bière...).

Le libre, solution durable pour tous ?

Au final, le logiciel libre est un enjeu de développement humain : il s'agit d'apprendre à trouver des solutions avec l'aide d'une communauté d'utilisateurs, au lieu d'acheter des produits industriels. Cela prend du temps et un investissement personnel, ce qui n'est évidemment pas à la portée de tous et notamment des élus ou des décideurs qui considèrent ces domaines comme purement annexe.

Cependant, de même que pour les constructions durables, les solutions de mobilité, la conception de programmes type One Planet Living ... le développement durable nécessite de pendre le temps de réfléchir, et de concevoir les choses en amont de manière « artisanale » et en s'appuyant sur des observations pratiques, de terrain.
Ainsi, si les élus actifs dans le développement durable ne sont pas toujours en mesure d'habiter dans des sites exemplaires, ils l'encouragent par leurs choix de politiques publiques. De même, les élus conscients des enjeux du développement durable dans la noosphère, devraient promouvoir l'utilisation de logiciels libres et la récupération de PC et machines usagées dans leurs collectivités. Il devraient également accélérer la mise à disposition d'Internet, soit par des réseaux ADSL ou Wimax, soit par des espaces publics accessibles à tous. Ils devraient enfin promouvoir une démarche d'amélioration continue et faciliter un accompagnement dynamique des utilisateurs par les utilisateurs : ce serait la manière la plus sûre d'assurer un accès pérenne à Internet pour tous, à coût faible voir nul, et de sortir de la dépendance auprès de quelques multinationales.

Enfin, un mythe doit être mis au placard : celui selon lequel la migration vers Linux est pénible, que ça ne marche pas, qu'on perd plein de temps, etc. Utilisatrice très avancée de Windows et de sa suite bureautique depuis 15 ans, j'ai migré ce week end avec l'aide de mes amis trolls. Cela n'a posé aucun problème, et au contraire je découvre un système simple, beaucoup plus convivial, conçu pour les utilisateurs. Selon mes amis trolls, le libre (notamment le système Ubuntu) a fait des progrès remarquables et la migration est maintenant devenue un jeu d'enfant.


Collaborateurs de cette page: mose et Thanh .
Page modifiée dernièrement le Lun 31 Juillet, 2006 [02:31] par mose.


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